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Le principe d’identité

Prendre la parole, c’est quelque part prendre le pouvoir.

Affirmer ses convictions, leur donner une existence publique, donc politique, c’est honorable en soi.

Mais une parole efficace repose sur un fondement essentiel : le principe d’identité, énoncé par Aristote dans sa Métaphysique : « Ce qui est, est ; ce qui n’est pas, n’est pas. »
En d’autres termes, une chose ne peut pas être, sous le même rapport, ce qu’elle n’est pas.

Dans l’art oratoire, ce principe impose qu’une idée soit exposée sans contradiction, avec une cohérence interne. Celui qui s’exprime doit être fidèle à lui-même : un discours efficace ne se contredit pas en fonction des circonstances. Il y a là une exigence de vérité.
Si par exemple vous dîtes : « La vérité est relative », cette affirmation se contredit elle-même. Si elle était vraie, alors elle s’appliquerait à elle-même : la vérité étant relative, cette phrase ne pourrait pas être universellement vraie. Mais si elle est fausse, alors la vérité n’est pas relative, ce qui contredit l’énoncé. Eh oui…
C’est un cas classique d’auto-réfutation, où une idée se détruit par sa propre formulation. Un discours basé sur ce type de contradiction manque de crédibilité.

La philosophie réaliste nous apprend que les mots ne sont pas de simples jeux de langage, ils désignent le réel. Un orateur doit donc veiller à respecter l’identité de ce qu’il nomme : une chose ne peut pas être et ne pas être à la fois.
Un discours confus, où les mots changent de sens ou se vident de leur substance, ne convainc pas. À l’inverse, une parole ferme, enracinée dans le réel, inspire confiance.

Ainsi, la prise de parole réussie ne repose pas seulement sur l’éloquence, mais sur une exigence intellectuelle : dire ce qui est, sans détour ni contradiction. Une parole qui trahit le principe d’identité est vaine.